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Jours de fêtes

Ne trouvez-vous pas que les contes de Fred Pellerin sont plus proches de la vérité que ce que l’on trouve parfois dans différents media ?

De mon côté, je m’intéresse à l’évolution des relations humaines, aux références et préoccupations des différentes sociétés, et à leur façon d’envisager l’avenir. À l’heure de l’affirmation des valeurs individuelles, des identités et des différences, il est bon de réfléchir également à ce qui nous rapproche.

Je me suis rendu à Saint Élie-de-Caxton pour vérifier à ma manière de photographe, lors d’une petite fête annuelle, comment ce petit village avait réussi à maintenir des relations “tricotées serrées”. J’y suis retourné plusieurs fois. Ces liens sont fragiles. Même Saint Élie n’est pas à l’abri des dissensions. Les contes de Fred Pellerin le disent et des évènements récents le confirment.

Le thème n’est pas nouveau, Fred Pellerin affirme lui-même que tout a déjà été traité. Il a raison.

La preuve, autrefois, dans les années 50, Jacques Tati, le cinéaste, s’insurgeait aussi contre l’égoïsme et surtout le manque de chaleur de la société moderne. Il avait tourné « Jour de fête » dans un petit village français, Sainte Sévère sur Indre. Croyez-le ou non, Saint – Sévère existe aussi au Québec, juste à côté de …Saint-Élie-de-Caxton. Croyez-le ou non, le seul gamin dont on entend le nom dans le film s’appelle…Fred, et le producteur….Fred également.

Dès lors, mon projet était clair. Il fallait que j’aille voir plus en détail aux deux endroits comment cela se passait. « Jours de Fêtes » (au pluriel) s’imposait comme un bon titre.

Dans “Jours de Fêtes”, je réfléchis à l’évolution des liens communautaires qui se distendent de plus en plus et nous éloignent les uns des autres. En choisissant le modèle de la fête à travers une comparaison de deux fins de semaine, l’une au Québec, l’autre en France, j’observe comment les deux communautés continuent à préserver leurs liens, en apparence de façons différentes, mais au fond sur des principes similaires. Dans certains cas, des images prises au Québec auraient pu l’être en France, et inversement. Dans d’autres cas, la différence culturelle saute aux yeux. Et les stéréotypes volent en éclat.

Croyez-le ou non, dans le film de Tati, il y a aussi un coiffeur, qui coiffe aussi mal que celui de Saint-Élie, ou l’inverse. Mais revenons à la fête : l’humour fait partie du tableau d’ensemble.

Comment ne pas sourire devant ces trois musiciens dont la tête, l’esprit est « remplacé », occupé par la musique, symbolisée par le pavillon de leur instrument, et comme par hasard, s’aligne avec la croix, symbole de la religion qui le domine ou cherche à y faire sa place.

Autre exemple, le dimanche matin, alors que les québécois vont à l’église ou au yoga de façon décontractée, ce qui en soit est déjà intéressant comme tel, les « autorités » françaises se rendent en grande pompe et avec solennité au monument aux morts sous les auspices de LA France et… de l’apéritif Dubonnet, mais devant …personne.

Dans la forme de ce travail, je m’attache à associer une préoccupation esthétique à des images prises sur le vif, dans la vraie vie avec du vrai monde. La série, par opposition à l’image individuelle, offre encore plus de cohérence à l’ensemble des photographies.

Dans son fond, ce projet, qui s’est déroulé sur plusieurs années, a pour but de démontrer, parfois avec humour et tendresse, comment les deux villages restent “tricotés serrés” avec des moyens différents selon l’histoire culturelle des deux pays.

Comme dans le cas de Pellerin et de Tati, mon projet est un plaidoyer pour le vivre ensemble, pour une société conviviale et inclusive. Ce thème a pris encore plus d’importance dans le contexte politique, social et sanitaire actuel.

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